Origine et création du PIaMP (2/4)

Écrit par Gilles Tardif

2. Le « Rapport Bleu »

Ce rapport fut nommé ainsi à cause de sa couverture cartonnée bleue, tout simplement. C’est en réalité le Rapport sur la prostitution chez les mineurs effectué par le Groupe de travail sur la prostitution chez les mineurs, publié à Montréal en avril 1980. C’est un document qui reprend les textes produits par des membres du Groupe (et qui ont déjà été cités) auxquels on a ajouté un bilan de travail comportant deux parties, l’une portant sur les constatations et l’autre sur les recommandations.

Les auteur·ices situent le début de cette entreprise en mai 1979. À la suite d’un réexamen de la situation d’un jeune qui s’adonnait à la prostitution dans des lieux publics et face à l’échec de toutes les mesures prises dans la cadre de la Loi 24 (ancienne loi de protection de la jeunesse) un intervenant du CPJ, M. Michel Bleau, en consultation avec des intervenant·es du BCJ Longueuil, réagit à l’absence de concertation face au phénomène et entreprend de réunir des intervenant·es du milieu pour aborder six dimensions du phénomène et produire un rapport. À cette époque, le CPJ considérait un « problème » dit individuel comme une responsabilité collective. Il s’agit là d’une intervention cruciale dans le dossier de la prostitution des mineurs, d’une intervention provocatrice pour certain·es, gênante pour d’autres, qui ne laissera aucun·e acteur·ice indifférent·e.

Bilan

Dans les premières pages, on expose les données concernant l’existence du phénomène; nous en avons déjà parlé. Nous soulignons cependant que le Rapport stipule clairement que tous les témoignages provenant des CSS et des DPJ (Montréal et Longueuil) ont été faits sur une base strictement personnelle et qu’il n’y a pas eu de rencontre officielle avec les directions. Bien entendu, toustes se disent préoccupé·es par le phénomène et désirent formation, concertation et ressources.

Les CLSC amorcent leurs programmes-jeunesse; quoique certain·es intervenant·es soient déjà au courant, les interventions sont en général occasionnelles; on se montre toutefois intéressé·e à poursuivre la discussion.

Dans les centres d’accueil, on s’embrouille dans les dimensions du problème, on est dépourvu et on demeure « préoccupé ».

La prostitution se trouve confirmée en milieu scolaire, où on souhaite la concertation entre les services aux étudiant·es jumelée à un programme d’éducation sexuelle.

Les autres parties du bilan touchent la question des lois, déjà abordée; on trouve aussi une étude de Francine Gagné, réalisée en février 1980, sur la dynamique psychosexuelle des jeunes prostitué·es. Dans les autres sections, nous remarquons un texte sur les danseuses à gogo et nues de Me Andrée Ruffo qui fait le tour de cette question sous l’angle du droit.

Par la suite, le rapport fait état du « projet »; ici aussi nous ne répéterons pas ce qui a déjà été écrit, nous soulignons cependant l’insistance mise sur l’information, renforcée par cette déclaration : «  … il nous est apparu important de briser cette loi du silence observé par les jeunes et les adultes et de bousculer la tolérance du public qui maintient, sinon encourage tout un “milieu”. » (p. 70).

Projet de recherche

Et puis, tout juste avant la conclusion, surgit le Projet de recherche, à peine esquissé, car il faudrait une collaboration qui ne semble pas acquise de la part des CSS et de la Protection de la jeunesse. C’est tout de même à partir de cette timide mention qu’une recherche a fini par émerger.

Cependant, à la suite de ce « Rapport Bleu », le CPJ, par l’intermédiaire de son agente de recherche, propose l’idée d’une recherche basée sur un questionnaire que des jeunes prostitué·es « dépisté·es » dans le milieu scolaire et/ou retenus parmi les dossiers de DPJ, du Tribunal… auraient à remplir. Les principaux thèmes du questionnaire toucheraient les services, l’information, les renseignements factuels sur la prostitution, sur les attitudes et les relations entre prostitution et drogue… On prévoyait un retour d’information aux jeunes sous la forme d’un résumé vulgarisé distribué at large dans les écoles.

Pour faire en sorte que toutes ces pistes aboutissent à des actions prévues, l’exécutif du Groupe annonce le 27 octobre 1980 qu’un intervenant a été engagé par le BCJ, pour cinq mois, afin de travailler directement auprès des jeunes qui font de la prostitution. Les activités de promotion, de formation, de financement se poursuivent. Soulignons au passage les tentatives du Groupe pour réaliser un projet d’intervention au Complexe Desjardins.